Qu’est-ce qui pousse une personne à abandonner son chien ?
L’abandon d’un chien est l’un des sujets les plus sensibles et les plus choquants pour quiconque aime les animaux. À première vue, le geste paraît incompréhensible : comment une personne peut-elle se séparer de son compagnon, celui qui remue la queue à chaque retour à la maison, qui offre une fidélité sans conditions ? Pourtant, derrière chaque abandon, il y a une histoire, des dilemmes et surtout des émotions contradictoires. Comprendre ce qui se passe dans le cœur et dans l’esprit de celui ou celle qui abandonne peut nous aider à mieux prévenir ces situations et à développer davantage d’empathie, même sans cautionner le geste.
Avant l’abandon : la montée des difficultés et des justifications intérieuresAu départ, il y a souvent un lien sincère. Peu de personnes adoptent un chien avec l’idée de l’abandonner un jour. L’arrivée d’un animal est synonyme de joie, de projets, parfois même d’un rêve d’enfant enfin réalisé. Pourtant, au fil des mois ou des années, des obstacles surgissent : Les contraintes de la vie quotidienne : déménagement, perte d’emploi, séparation, naissance d’un enfant, contraintes de temps. Le chien devient parfois « de trop » dans une vie bousculée. Des problèmes de comportement : destructions, aboiements, agressivité, malpropreté. Ces comportements, souvent liés à un manque d’éducation ou à un stress non pris en compte, deviennent insupportables au quotidien. Un décalage entre l’idéal et la réalité : certains adoptants n’avaient pas mesuré l’énergie, le budget et l’engagement nécessaires.
Dans cette phase, la personne lutte intérieurement. Elle commence à se dire : « Je ne peux plus assumer ». Mais face à l’attachement, elle cherche des excuses : « C’est temporaire, ça va s’arranger », « Il mérite mieux que moi ». Cette période est marquée par la culpabilité grandissante et le sentiment d’échec.
Pendant l’abandon : le moment du passage à l’acteLe jour où la décision est mise en œuvre est souvent vécu comme une véritable déchirure intérieure. Deux scénarios se distinguent : L’abandon encadré, par le biais d’un refuge, d’une association ou d’une famille d’accueil. Dans ce cas, la personne se donne une justification morale : « Il aura une nouvelle famille », « Il sera mieux ailleurs ». L’abandon brutal, sur la voie publique, attaché à un arbre ou laissé dans une zone isolée. Ce geste, souvent condamné comme une cruauté pure, naît pourtant d’un mélange de panique, de honte et parfois d’un déni complet des conséquences pour l’animal.
Dans tous les cas, le moment de la séparation est chargé d’émotions contradictoires. Le propriétaire ressent : Un soulagement immédiat : celui de se décharger d’un poids devenu insupportable. Une culpabilité intense : regard fuyant, larmes, ou au contraire froideur apparente pour se protéger. Un sentiment d’irréversibilité : une fois le chien confié ou abandonné, un vide s’installe, souvent brutal.
Après l’abandon : la persistance de la culpabilité ou la rationalisationUne fois l’acte accompli, chacun réagit différemment. Chez certains, la culpabilité reste vive. Ils repensent aux moments de tendresse, aux yeux de l’animal, et ressentent une forme de honte durable. Ces personnes ont parfois du mal à en parler et cachent leur geste à leur entourage. Chez d’autres, un mécanisme de rationalisation prend le dessus. Ils se convainquent : « C’était la meilleure solution », « Je n’avais pas le choix », « Un autre prendra mieux soin de lui ». Cela permet d’atténuer la souffrance, mais souvent au prix d’un refoulement émotionnel. Enfin, il existe ceux qui coupent totalement le lien émotionnel. Ils se persuadent qu’il ne s’agissait « que d’un chien ». Ce détachement peut être vu comme une protection psychologique contre la douleur de l’abandon.
Quoi qu’il en soit, peu de personnes sortent totalement indemnes de ce geste. L’abandon d’un chien n’est jamais neutre : il laisse une trace dans la mémoire et dans le cœur, même si elle est parfois enfouie très profondément.
L’approche psychologique : culpabilité, déni et mécanismes de défenseD’un point de vue psychologique, l’abandon d’un animal active des mécanismes très proches de ceux que l’on observe lors de décisions difficiles en lien avec des proches humains. La dissonance cognitive : il y a un conflit entre deux croyances contradictoires : « J’aime mon chien » et « Je vais l’abandonner ». Pour réduire cette tension insupportable, l’esprit cherche des justifications : « Je fais ça pour son bien », « Il sera plus heureux ailleurs ». La culpabilité et la honte : la culpabilité est tournée vers l’action (« J’ai mal agi »), tandis que la honte est tournée vers l’identité (« Je suis une mauvaise personne »). Beaucoup de propriétaires ressentent les deux, ce qui explique leur difficulté à parler de leur geste. Le déni émotionnel : certains se « coupent » volontairement de l’attachement, deviennent froids ou distants. C’est un mécanisme de défense inconscient pour ne pas ressentir la douleur. La projection : il arrive que l’on attribue à l’animal des caractéristiques négatives pour rendre la décision plus supportable : « Il est ingérable », « Il ne m’aime pas », « Il n’est pas fait pour moi ».
Ces mécanismes montrent à quel point l’abandon est rarement un acte anodin. Derrière une apparente froideur, il y a souvent une lutte psychologique silencieuse, où la personne essaie de se protéger elle-même de la souffrance qu’elle provoque. Au cœur de ce processus, il y a souvent un dialogue intérieur chargé de justifications. L’être humain, pour apaiser sa culpabilité, construit un récit qui rend le geste plus supportable. Ces excuses prennent différentes formes : Se présenter comme protecteur : « Il sera plus heureux ailleurs », « Je ne suis pas capable de lui offrir ce qu’il mérite ». La personne reformule l’abandon en un acte de bonté, comme si elle lui donnait une chance d’avoir mieux. Se placer en victime des circonstances : « Je n’ai pas le choix », « Ma vie a changé, je ne peux pas faire autrement ». Ici, le poids de la décision est déplacé sur des facteurs extérieurs, ce qui réduit la responsabilité ressentie. Minimiser le lien affectif : « Après tout, ce n’est qu’un chien », « Il s’adaptera vite ». Cette stratégie consiste à diminuer l’importance de l’animal pour rendre la séparation moins douloureuse. Comparer avec pire : « Au moins, je ne l’ai pas laissé mourir de faim », « Je l’emmène dans un refuge, ce n’est pas un vrai abandon ». L’individu se rassure en mettant en avant qu’il existe des abandons « plus cruels » que le sien.
Ces phrases, répétées intérieurement ou confiées à l’entourage, ne sont pas anodines. Elles forment une narration de survie psychologique : une tentative de réconcilier l’amour éprouvé pour l’animal et l’acte de rupture posé contre lui.
L’approche sociologique : normes sociales, pression et culture de consommationL’abandon ne se comprend pas uniquement sur le plan individuel. Il est aussi le reflet d’une société, de ses valeurs et de ses contradictions. La pression sociale : adopter un chien est valorisé socialement – c’est un signe d’amour des animaux, de générosité, de « famille idéale ». Mais paradoxalement, la même société condamne avec force l’abandon, ce qui accentue la honte et pousse certains à cacher leur geste plutôt qu’à demander de l’aide. La culture de consommation : dans une société où l’on change rapidement d’objets, d’habitudes ou même de relations, certains transfèrent ce rapport au vivant : le chien est vu comme « remplaçable ». Lorsqu’il ne correspond plus aux attentes, il devient « un problème » dont on se sépare. Les inégalités sociales : certaines familles abandonnent leur chien non pas par désamour, mais faute de moyens financiers (soins vétérinaires trop chers, alimentation trop coûteuse). Dans ce cas, l’abandon est lié à une précarité qui dépasse la seule relation homme-animal. Les saisons et les contextes culturels : par exemple, dans certains pays, les abandons augmentent pendant l’été, quand les départs en vacances révèlent l’incompatibilité entre mode de vie et responsabilités animales. L’abandon n’est donc pas qu’un choix personnel, il s’inscrit aussi dans un cadre collectif et culturel.
Comprendre pour mieux agirAnalyser ce qui se passe dans l’esprit et le cœur de ceux qui abandonnent ne signifie pas excuser le geste. Mais c’est une clé pour agir en amont : Informer les futurs adoptants des réalités de la vie avec un chien. Offrir davantage de solutions alternatives à l’abandon (cours d’éducation, familles relais, aides financières pour les soins). Favoriser une parole libérée autour des difficultés, pour éviter que la honte ou le désespoir ne conduisent à un geste radical.
En conclusionL’abandon d’un chien est toujours une blessure : pour l’animal bien sûr, mais aussi pour l’humain qui en est à l’origine. Derrière ce geste, il y a souvent une tempête émotionnelle : amour contrarié, culpabilité, sentiment d’échec, soulagement fugace. La psychologie nous montre que des mécanismes de défense puissants se mettent en place pour supporter l’acte, tandis que la sociologie révèle que ce geste s’inscrit dans un cadre collectif plus large, où se mêlent pression sociale, inégalités économiques et culture de consommation. En comprendre les ressorts ne nous demande pas d’approuver, mais de regarder en face une réalité humaine complexe. Et si nous voulons réduire ces abandons, il faut apprendre à tendre la main aux personnes en difficulté avant qu’elles n’en arrivent à ce point de rupture. |  Produits personnalisables pour chiens et chats Pancartes, porte-clefs, médailles... Voir les produits |